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Невеста по завещанию

Очень понравилось, адекватные герои читается легко приятный юмор и диалоги героев без приторности >>>>>

Все по-честному

Отличная книга! Стиль написания лёгкий, необычный, юморной. История понравилась, но, соглашусь, что героиня слишком... >>>>>

Остров ведьм

Не супер, на один раз, 4 >>>>>

Побудь со мной

Так себе. Было увлекательно читать пока герой восстанавливался, потом, когда подключились чувства, самокопание,... >>>>>

Последний разбойник

Не самый лучший роман >>>>>




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Il connaissait trop bien Paris et surtout ce quartier Étoile-Monceau pour se tromper sur l’itinéraire que l’on suivait, et les élégants rideaux de soie tirés devant les vitres lui semblaient presque attendrissants. Par leurs minces interstices, il pouvait apercevoir l’éclairage des rues. Quand il n’en vit plus, il sut que l’on entrait dans le bois de Boulogne, très certainement par la porte Dauphine. Restait à savoir dans quelle direction on le traverserait.

En fait, on ne le traversa pas. Après quelques minutes de voyage et trois ou quatre virages, les roues quittèrent l’asphalte pour un chemin de terre – peut-être une allée cavalière ? – puis s’immobilisèrent. La portière s’ouvrit et le chauffeur, qui avait jugé bon de s’équiper d’un pistolet, s’en servit pour faire signe à son passager de descendre… On était en plein bois mais les ténèbres n’étaient pas opaques. En particulier pour Aldo, qui possédait des yeux de chat. Au-dessus du layon où s’était engagée l’automobile, le ciel était clair. Le temps s’adoucissait depuis la veille et, à l’odeur des feuilles pourries, se mêlait un très léger, très subtil parfum d’herbe neuve.

Après quelques pas, on rejoignit un homme qui semblait attendre puis on obliqua sous les arbres jusqu’à une clairière laissée par une coupe récente. Trois nouveaux personnages étaient là : l’un d’eux assis sur une souche, les deux autres debout de chaque côté et probablement armés. Le chef à l’évidence, bien que rien ne le distinguât de ses compagnons. Tous, à l’exception du chauffeur, étaient vêtus de façon identique : longs manteaux noirs comme les feutres souples dont les bords, rejoignant les cols relevés, ne devaient laisser filtrer qu’un invisible regard. Même les mains se cachaient sous des gants. Agacé malgré lui par cette mise en scène où il croyait voir l’esquisse d’un tribunal, Aldo lança :

— Vous m’avez appelé. Je suis venu. Que voulez-vous ?

L’homme leva le bras :

— Causer ! Il y a une souche derrière vous. Vous pouvez vous y asseoir !

L’accent espagnol – ou mexicain ! – colorait le timbre d’une voix froide, jeune d’ailleurs, et Aldo pensa qu’il avait peut-être, en face de lui, ce Miguel rencontré à la mairie et à l’église sans qu’ils aient échangé la moindre parole et qui, depuis la cérémonie ratée, semblait s’être évaporé. Il recula, s’assit, chercha une cigarette et l’alluma sans que l’autre s’y opposât. Il en fut content. Le tabac anglais l’aidait à maîtriser ses émotions et plus que jamais il éprouvait la nécessité de se sentir l’esprit clair. Il tira une bouffée salutaire puis attaqua :

— Votre billet se réfère à la sauvegarde de mon ami Vauxbrun. Donc vous savez où il est ?

— Naturellement !

— Il va… bien ?

— Me croirez-vous si je vous dis oui ?

— Pas entièrement ! Il ne peut aller vraiment bien après ce qu’il a subi. Et comme je suppose que c’est de marchandage dont il va être question, vous comprendrez qu’avant d’apprendre ce que vous attendez de moi, j’aie besoin d’avoir une certitude ! Je veux le voir !

— Vous demandez l’impossible : il n’est plus à Paris, mais… j’ai ceci pour vous, ajouta l’étranger en sortant de sa poche une lettre qu’il fit porter par l’un de ses hommes. Vous aurez largement le temps de la lire plus tard et je pense qu’elle vous convaincra…

— Bien. Alors qu’exigez-vous pour le libérer ?

— Que vous retrouviez pour nous les émeraudes sacrées de Montezuma !

Une bouffée de colère remit Aldo sur ses pieds :

— Que je… mais si vous tenez Vauxbrun, vous les avez aussi puisque c’est lui qui les a volées, selon les dernières nouvelles !

— Il n’a volé qu’un faux… un faux grossier, mais l’état dans lequel il se trouvait le rendait incapable de le remarquer.

— L’état ? Quel état ?

— Disons… une certaine dépendance. Une beauté sans rivale, immaculée et qui semble inaccessible peut asservir un homme, le convaincre de ses insuffisances sans lui ôter complètement le sens du jugement. Il y faut un adjuvant… connaissez-vous le Mexique, Morosini ?

— Non.

— Il pousse dans les déserts du Nord une plante étrange qui ressemble à une pierre. On l’appelle le peyotl et, pour qui sait s’en servir, elle peut persuader un mendiant qu’il peut devenir l’égal d’un roi… ou du moins se permettre n’importe quelle folie. Votre ami y a goûté…

En dépit de la douceur relative de la nuit, Aldo sentit une sueur froide mouiller sa tempe. Adalbert avait raison en évoquant cette drogue inconnue dont les effets se révéleraient sans doute dévastateurs si l’on en usait trop longtemps. Mais il refusa de s’attarder sur l’image de Gilles réduit à l’état de loque humaine.

— Revenons à votre demande !

— Ce n’est pas une demande, c’est une injonction. Nous voulons récupérer ces émeraudes, les plus précieuses qui soient… et vous êtes le seul capable de cet exploit ! Vous voyez, ajouta-t-il, que l’on fait grand cas de vous !

— Je ne suis pas certain de me sentir flatté ! Je ne suis ni un magicien ni un prestidigitateur capable de sortir n’importe quoi d’un chapeau et je ne peux pas travailler sur du vent !

— C’est pourtant ce que vous ferez si vous voulez sauver une… plusieurs vies humaines car, à ne rien vous cacher, cette affaire n’a été montée que pour vous obliger à vous mettre à notre service !

Ainsi donc on y était et, mentalement, Aldo rendit hommage à la clairvoyance inattendue de Plan-Crépin. En même temps, il se sentait accablé par ce poids qui lui tombait dessus. La réputation dont il était si fier menaçait à présent de le détruire, lui, et d’autres peut-être encore plus chers, et à cette idée, il dut faire un effort considérable pour résister au vent de panique qu’il sentait se lever… Cela lui demanda un instant au cours duquel il garda le silence. L’autre s’impatienta :

— Alors ? Cette réponse, elle est pour aujourd’hui ou pour demain ?

— Vous me placez devant un mur où je ne distingue pas la moindre faille. Que voulez-vous que je vous dise ?

— Que vous êtes d’accord et que vous allez vous mettre au travail…

— À partir de quelle base ? Si j’en crois les assertions de Don Pedro dans le bureau du commissaire Langlois, le collier a fait retour au Mexique environ vingt ans après que Cortés l’eut emporté et, puisque Carlos Olmedo l’a gardé, il y est resté dans la famille ?

— Assez longtemps pour devenir une sorte de légende qui a traversé les siècles. Carlos Olmedo n’est jamais retourné en Espagne afin que les pierres ne s’éloignent plus de Tahena et les Indiens ont su que le collier sacré était revenu mais sans jamais l’avoir vu : Carlos le cachait dans un lieu connu de lui seul et il devint le secret de la famille qu’à l’heure de la mort on transmettait au fils aîné en lui faisant jurer de ne jamais le ramener au jour. Pour les Indiens, il était la certitude que leurs dieux ne les avaient pas abandonnés, que Quetzalcóatl, le Serpent à Plumes, était toujours avec eux… L’annonce de la disparition eût déchaîné un ouragan. Du côté des vice-rois, on observait une égale retenue. Que les Olmedo fussent de vieille souche castillane semblait une garantie suffisante. L’Inquisition elle-même n’essaya pas de creuser davantage la question après qu’une tentative, maladroite à vrai dire, eut été sanctionnée par un terrifiant meurtre rituel ! Elle avait pris conscience des forces enfouies dans ce pays trop vaste, trop secret, trop profondément travaillé par des forces inconnues…

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